APPEL ? COMMUNICATIONS
Conf?rence internationale, Gen?ve, 12-13 mai 2011
«LES REPR?SENTATIONS HISTORIQUES ET LA R??CRITURE
DU PASS? DANS LA RUSSIE POST-SOVI?TIQUE»
Dans les pays « postcommunistes » d’Europe centrale et orientale, la qu?te d’une nouvelle
construction nationale et la l?gitimation des nouveaux pouvoirs s’est appuy?e, et continue de
s’appuyer ? des degr?s divers, sur une r??criture du pass? et une r?interpr?tation de faits ou
de personnages historiques. Si les dirigeants politiques jouent un r?le important dans ce
processus, les intellectuels (universitaires, journalistes, ?crivains, artistes, etc.) font, eux
aussi, « usage » du pass?.
Parall?lement, les opinions publiques ont suivi des ?volutions tr?s rapides, de sorte que les
visions officielles de l’histoire, constitutives des r?gimes communistes, ont laiss? la place ?
des repr?sentations multiples du pass?, puisant aussi bien dans les traditions nationales que
dans les influences ext?rieures, notamment occidentales. Ainsi, les forces politiques, les
?lites intellectuelles et les opinions ont toutes ?t? engag?es dans un processus de
r??valuation du pass?, sans qu’il soit toujours facile d’y discerner la part de responsabilit? de
chacune d’entre elles.
La Russie ne fait pas exception. La perestro?ka, puis l’?clatement de l’URSS en ao?t 1991
ont entra?n? l’historiographie dans une crise profonde. Les sch?mas d’explication historique
de l’?poque sovi?tique ont ?t? massivement rejet?s, l’interpr?tation marxiste-l?niniste de
l’histoire vou?e aux g?monies. Durant la perestro?ka, la r??valuation de l’histoire a ?t? rapide,
et son r?examen permanent a laiss? les enseignants d’histoire livr?s ? eux-m?mes. Il
s’agissait d?sormais, selon l’expression de Gorbatchev, de combler les « taches blanches »
de l’histoire russe. La crise fut si importante qu’en mai 1988, les examens d’histoire et les
programmes obligatoires furent supprim?s dans les ?coles.
Durant la p?riode qui s’?tend de la perestro?ka au d?but des ann?es 1990, les ann?es
staliniennes ?taient le plus souvent per?ues comme une p?riode de terreur, d’?preuves et
d’annihilation de l’individu. L?nine ?tait d?peint comme le cr?ateur d’un syst?me d?sormais
per?u comme criminel. Le mythe fondateur de la « Grande R?volution socialiste d’Octobre »
?tait souvent repr?sent? dans les nouveaux manuels scolaires d’histoire comme un
« accident de l’histoire », dont les bolcheviks avaient pu profiter en raison du manque de
perspicacit? et d’audace politique des autres dirigeants politiques. Parall?lement, une image
id?alis?e de la Russie de l’Ancien R?gime, y compris de sa monarchie, s’installait peu ? peu.
La p?riode de l’URSS ?tait en quelque sorte mise entre parenth?ses, ce qui permettait
d’op?rer une continuit? historique entre l’?poque pr?r?volutionnaire et postsovi?tique.
Comme le d?montrent des ?tudes r?alis?es par des chercheurs tant russes qu’occidentaux,
une ?volution s’est produite dans la repr?sentation du pass? sovi?tique au cours des ann?es
1990. Alors que la Russie traversait une crise sociale, politique et ?conomique profonde, les
images du pass? sovi?tique semblaient aux yeux de larges couches de la population moins
sombres ? mesure qu’elles s’?loignaient dans le temps. C’est ainsi que la p?riode sovi?tique
a peu ? peu ?t? r?int?gr?e dans la m?moire historique : l’?poque de Brejnev tout d’abord,
mais aussi, progressivement, la figure de Staline et l’?poque stalinienne. D?s le milieu des
ann?es 1990, selon de nombreux sondages, Staline ?tait per?u par un nombre croissant de
citoyens russes comme un des plus grands chefs d’?tat du XXe si?cle et comme le ma?tre
d’oeuvre de la « Grande Victoire ». Cette ?volution a ?galement ?t? constat?e du c?t? des
?lites, que ce soit dans le monde politique ou les m?dias.
D?s le d?but des ann?es 2000, l’id?e d’un pays victorieux et puissant est devenue centrale
pour le nouveau pouvoir politique, qui, en refondant sa l?gitimit?, en est venu ? s’int?resser
de plus pr?s ? la vision du pass?. Ainsi, d?s le d?but de son mandat pr?sidentiel, Vladimir
Poutine a manifest? de l’int?r?t pour le contenu des manuels scolaires d’histoire russe, en
particulier en ce qui concerne les XXe et XXIe si?cles. Il ne s’agit plus de souligner les
« aspects n?gatifs de l’ancien syst?me », mais de susciter chez l’?colier un sentiment de
fiert? ? l’?gard de l’histoire de son pays. Aussi bien dans les m?dias que dans les productions
p?dagogiques, voire dans l’?criture de l’histoire de fa?on g?n?rale, les grands axes et
moments de la politique stalinienne sont pr?sent?s sur un mode de justification et de
l?gitimation. La publication depuis 2007 de certains manuels d’histoire faisant partie d’un
important projet d’?laboration de nouveaux standards d’?ducation au niveau f?d?ral, le d?cret
pr?sidentiel de mai 2009 sur la cr?ation d’une Commission de lutte contre les tentatives de
falsification de l’histoire, tels sont les exemples les plus r?cents, de l’avis de nombreux
historiens, sociologues, politistes ou journalistes russes, de la tentative du pouvoir politique
qui chercherait ? d?finir les lignes directrices du discours historique. Par ailleurs, ? c?t? de la
r??valuation positive de Staline et de sa politique de « modernisation forc?e » de l’URSS,
perceptible dans les nouveaux manuels scolaires, des gestes qui en prennent le contre-pied,
telle la pr?sence de Vladimir Poutine en 2007 ? Boutovo (lieu de comm?moration annuelle
des grandes purges staliniennes) ou les propos du pr?sident Dmitri Medvedev, le 30 octobre
2009 (journ?e comm?morative des prisonniers politiques), suscitent des interrogations et des
interpr?tations diverses de la part des observateurs russes et ?trangers.
Les repr?sentations historiques et la r??criture du pass? dans la Russie post-communiste, tel
sera l’objet de la conf?rence pluridisciplinaire et internationale qui se tiendra ? Gen?ve sous
l’?gide de l’Institut Europ?en (groupe d’?tudes des pays d’Europe centrale et orientale -
GEPECO) et de la Facult? des Lettres (unit? de russe et unit? d’histoire contemporaine) de
l’Universit? de Gen?ve en mai 2011.
On s’efforcera d’examiner les grandes tendances et les ?volutions des repr?sentations
historiques depuis la chute du communisme.
? P?riodes historiques concern?es. M?me si les images et interpr?tations du XXe si?cle
recevront par la force des choses une attention maximale, aucune p?riode de l’histoire de la
Russie/URSS ne sera exclue, pour autant qu’elle fasse l’objet de r?interpr?tations. ? Aires g?ographiques. Il s’agira de s’interroger sur les repr?sentations de l’histoire russe
et sovi?tique. Les repr?sentations de l’histoire dite « universelle » (ext?rieure au monde
russo-sovi?tique) n’entreront dans le champ de r?flexion que lorsqu’elles impliquent la
Russie : relations internationales (par exemple germano-sovi?tiques, sovi?tico-am?ricaines,
russo-japonaises…), pays englob?s ? un moment ou ? un autre par l’Empire russe ou l’Union
Sovi?tique (par exemple, Pologne-Lituanie, pays baltes, Ukraine, Caucase et Transcaucasie,
Bessarabie/Moldavie, Asie centrale…) ou compris dans sa sph?re d’influence (par exemple,
Tch?coslovaquie, Afghanistan…). ? On prendra comme objets d’analyse les discours politiques, les m?dias (presse, radio,
t?l?vision, internet), les ph?nom?nes d’opinion publique, l’enseignement de l’histoire
(manuels, programmes, etc.), les productions litt?raires et artistiques et, de fa?on g?n?rale,
toute diffusion des repr?sentations historiques. En r?gle g?n?rale, on ne s’attachera aux
productions savantes que dans la mesure o? elles ont fait ou font l’objet d’utilisations, de
diffusions ou de r?actions publiques, positives ou n?gatives. ? On pr?tera une attention particuli?re aux moments les plus significatifs de l’histoire
(guerres, r?volutions, industrialisation, modernisation, collectivisation, r?pression politique et
sociale…) ainsi qu’aux personnalit?s historiques (chefs d’?tat, commandants militaires,
personnalit?s politiques diverses…). On s’int?ressera ?galement aux diff?rents lieux
(institutions, partis, groupes politiques, associations, milieux sociaux, sites Internet…)
producteurs de repr?sentations et d’opinions historiques. ? La conf?rence r?servera ?galement une part importante aux cons?quences des usages
politiques de l’histoire sur les relations de la Russie avec des pays tels que l’Ukraine, les
pays baltes ou la Pologne, o? les lectures actuelles de l’histoire, notamment celle de la
Seconde Guerre mondiale, s’opposent ? certaines lectures faites en Russie.
Les propositions de communication, en fran?ais ou en russe, devront parvenir avant le 30
mai 2010 ? Korine Amacher ( Данный адрес e-mail защищен от спам-ботов, Вам необходимо включить Javascript для его просмотра. ) et Wladimir Berelowitch
( Данный адрес e-mail защищен от спам-ботов, Вам необходимо включить Javascript для его просмотра. ). Cette proposition comprendra :
- le nom de l’auteur,
- le titre de la communication,
- un r?sum? d’environ 500 ? 2000 signes, espaces compris (ou 80 ? 300 mots),
- un bref curriculum vitae.
Notification d’acceptation des propositions : 30 juin 2010.
Les langues du colloque seront le fran?ais, le russe et l’anglais.
Les frais de s?jour seront pris en charge par les organisateurs. Les participants demanderont
? leur institution le remboursement de leurs frais de voyage. En cas de refus, les
organisateurs s’efforceront de les aider dans la mesure des moyens disponibles.
Les actes du colloque seront publi?s.
Institutions organisatrices :
Universit? de Gen?ve : Institut Europ?en (groupe GEPECO) et Facult? des Lettres (unit? de
russe et unit? d’histoire contemporaine).
Avec le concours de l’Association Memorial (Moscou), du GARF (Moscou), des ?ditions
Rosspen (Moscou) et du CERCEC (EHESS/CNRS, Paris).
Comit? scientifique du colloque : Korine Amacher (Facult? des Lettres/Institut Europ?en,
Gen?ve), Wladimir Berelowitch (Facult? des Lettres/Institut Europ?en, Gen?ve), Alain Blum
(CERCEC, Paris), Christoph Conrad (Facult? des Lettres, Gen?ve), Jean-Philippe Jaccard
(Facult? des Lettres, Gen?ve), Sergue? Mironenko (GARF, Moscou), Arseni Roginski
(Memorial, Moscou), Andre? Sorokine (?ditions Rosspen, Moscou).
Date du colloque : 12-13 mai 2011